Par delà les Fenêtres
Epitaphe
(pour jlmi !)
Reflet
de lune à la surface des eaux
je
n’ai fait qu’effleurer les choses de la vie
sans y laisser la moindre ondulation.
@ Errances
Au Coeur du Net 2005 jlmi
Il est cinq heures,
la nuit s’est faite aube.
Au soleil mineur
les prairies se sont parées
des perles de la rosée.
***
Par un jour douteux
l’eau morte a bu le vent.
La grève est vide.
Là bas, au bout du jusant,
des lointains dans le brouillard.
***
La vielle coque
se disloque dans la vase
et l’eau saumâtre.
Molle sensualité
des méandres du Léguer.
Epave
1982 jlmi
Au fond de l’aber
sur son lit de boue grise,
oublié des vents,
le vieux gréement décharné
tend au ciel ses membrures.
Battue des embruns,
bousculée par les vagues,
rongée par le temps,
l’épave d’un sablier
se disperse lentement.
Il
prit la route
et
le froid vint avec lui
dans
la nuit noire.
Il
se remit à pleuvoir ;
les
champs bavaient l’eau sale.
Waiting for Bus 2003 Dilomprizulike
***
Et
sa vie durant,
rongé
par la vermine
de
ses souvenirs,
l’homme
arpente le pont
du
navire de ses désirs.
Sans Titre 1949 Joan Miro
***
Vois
ces grandes fleurs
à
la couleur d’abîme.
Squelettes !
La vie
en
ultime nudité -
où
s’est enfui le vent ?
***
Arthur
repose -
les
nubiennes nubiles
hantent
son rêve ;
un
rêve pris sur le fait
de
n’être qu’un cauchemar
Torche vivante
le feu convulsait son corps.
Seul je la sauvais...
Ce n’était qu’un cauchemar
menteuse
raison d’être.
@
Les Temps suspendus
Le crépuscule s’est fait nuit ... 2005 jlmi
Le crépuscule s’est fait nuit ...
La bise se rue dans l’escalier des haies qui montent aux collines
jusqu’aux lointains dissous dans les brouillards d’automne.
La vieille ferme tapie au creux du vallon,
toute recroquevillée, paraît endormie.
Un lit de lumière et d’eau parmi la brume
signale alentour l’arrivée de la lune.
Seuls les oiseaux de nuit suggèrent encore la vie
dans la campagne trempée de trop de pluie du jour.
La nuit s’est faite aube ...
Une brume légère s’étrille au démêloir des haies
qui montent aux collines plus loin que l’infini.
Des arbres détrempés les oiseaux sont partis
vers d’autres horizons aux cieux plus lumineux.
La vieille ferme s’éveille sur un jour douteux.
De l’âtre s’enfuient quelques maigres volutes.
Bientôt des bruits de vie envahissent la cour,
il est temps maintenant de songer aux labours.
@
Les Terres d’Incertitudes
Au Hasard des Murs 2005 jlmi
Dans le lointain des brouillards,
les corbeaux sont partis des arbres détrempés.
Les lents oiseaux crépusculaires fuient, loin
de ce globe qui suppure des refuges de fange
tandis que les encore-vivants
offrent leurs plaies horribles
aux longs grêlons de flamme
du chancre lumineux.
Dans la cuve immense de la mer,
l’eau morte aux froids énormes a bu le vent,
ouragan de ferraille et de boue,
de tous les soleils noirs,
de toutes les nuits blanches.
Reste le mélancolique essor
de la mer berceuse de râles.
***
La pénombre suinte des pierres de la Ruine.
Accroché au flanc cambré des restes du donjon,
un escalier ne menant nulle part
se tend vers le ciel, comme le bras d’un mourant.
Mousses et moisissures rongent les marches disjointes
presque effacées par l’usure.
Plus loin, l’arc d’un cintre émerge tel un tuteur roman
d’un entrelacs de lianes et de lierres.
Une brève suite de créneaux et de mâchicoulis
marque la place d’une enceinte fortifiée
ailleurs effondrée sous les ronces.
Des taches de soleil filtrées aux frondaisons
parsèment un décor insolite en ces lieux.
A l’opposé, au bas de la falaise, on perçoit
au travers d’une armée de troncs d’arbres séculaires
des réverbérations d’un blanc sale
à la surface d’une eau couleur de plomb
qui semble empoisonnée.
A cet horizon vide, le ciel terne et bas
semble fait d’une accumulation de fumées immobiles.
Le silence est extraordinaire.
Tout ici est tristesse et sérénité.
Paix de l’impermanence.
Starlight Night 1917 Georgia O'Keeffe
Vieil homme au bord de la Mort,
dans une solitude rapace
sans fin, sans fond ,
le cerveau égaré aux Portes du Néant
de l’étroit Jardin de Jouissance,
où affleurent les granits de l’inévitable
j’attends ma fin.
Sur la colline
où les pavots pavoisent
mourir est un jeu.
Sans
Titre
2003 Hermann Nitsch
@
Pêle-mêle
Par
la fenêtre
la
bête à deux têtes
des
amants d’en face.
***
Au-delà
du brouillard,
un
brouillard plus profond -
comment
dormir quand la mer ne dort pas ?
***
Evasion 2005 jlmi
La
lune se glace -
à
trop regarder dehors
mon
regard a usé la vitre.
***
La
brise bleue disperse la lune -
il
reste beaucoup d’aurores
qui
n’ont pas encore lui.
***
Par
un matin bleuté de brume
tant
de choses ne sont plus
qu’il
ne reste que le soleil à respirer.
***
Black Cross with red Sky 1929 Georgia O'Keeffe
(
i.m. René R.)
Un
homme est mort -
une
femme est seule
au
bout du chemin.
La
fin de sa vie
fut
un trop long calvaire –
la
mort à crédit.
A
mes chaussures
la
poussière d’un cimetière –
hommage
au disparu.
Fin
d’une vie d'homme
fin
d’une goutte de temps.
***
Winning Icone 1996 Anne Deleporte
A
force de déambuler
d’un
bord de l’ombre à l’autre
l’homme
trouve sa lumière.
***
De
l’immense fleur du brasier
de
très hautes flammes montent
jusqu’à
lécher les nuages
***
Le
visage nu
de
l’homme incandescent -
sans
fin, sans fond, sa solitude.
***
Sous
la main rugueuse
le
soyeux du bois poli
savourer
l’accompli
***
Fortes
effluves
d’un
lilas pris de soleil -
la
nature soudain comblée de silence
Behind the Blinds 1979 Goh Ah Ang
Par
la fenêtre
entrouverte
- le râle
d’un
plaisir femelle
***
Cette
nuit
quelques
gouttes de pluie
ont
frappé au carreau
Les
sanglots d’un saxo
au
petit matin de Manhattan –
des
bleus à l’âme.
Brouillard d’ennui / aux étangs d’indifférence / 11:9, plus rien 2004 jlmi
***
L’eau
fait un bruit noir,
là
affleurent les granits
de
l’Inévitable.