Oublier
les lignes droites
Fétichisme
de l’un possible
Sous un soleil à bouillir les nuages
seconde immobile
d’une vague pulvérisée,
pétrifiée à l’apogée de son art_ifice
juste avant qu’elle ne retombe
dans la matrice d’émulsion écumeuse
de l’océan vert de gris
moite d’émoi aux senteurs suintantes…
… un oiseau chasse les nuages à tire d’ailes
au dessus de cette plaine sans fin
de sommets érodés de montagnes lacustres,
cœurs palpitants de ce paysage liquide
au visage assassiné
en colossales traînées ferrugineuses
par l’onguent des ténèbres sous marines…
… ces rivières océanes
ne seront jamais plus des miroirs
pour les kimonos de satin blanc
qui vont et viennent
plus vite que les mots les plus brefs
afin d’acheter la lueur de mes yeux
pour coudre les couleurs de l’arc-en-ciel
montées à la recherche de la lune…
… dans le froid des fosses océaniques du temps,
ruelles volubiles aux volutes de buée duveteuse,
les heures coulent en molles draperies pâles
suspendues serpentines
dans ces étranges vitrines
qui déteignent en flaques jaunasses
sur la gadoue grasse de neige citadine
divagant aux trottoirs de nos vies.
Halos glauques saturés de paperasses,
journaux déchiquetés, détrempés,
comme digérés
avant que d’être dégueulés en
mosaïques
posées çà et là au cœur du silence bruissant
de tous ces passés inconnus.
Dans l’ambre clair de mes rêves
au noir limpide couleur de feu,
mon corps trop petit
n’est qu’un souvenir sans fenêtre.
Les miroirs sont vides,
à bout d’image,
inéluctable apesanteur
du rapprochement des êtres,
magie des hasards
à réciter aux cieux des jours
avec la sérénité d’un insecte
afin de permettre aux yeux
de mieux respirer
les graffitis obscènes
dépossédés du désir…
… dans la folie de l’inné dit
délices de mes actes approximatifs,
épanchements circonvolutifs
par delà l’insoupçonné des nuits,
en filigrane de mes codes inquiets.
Sous la substance trop bleue du ciel
je ne serai jamais qu’un miroir fracassé
jusqu’à l’Insaisissable Seconde
à la densité d’éternité.
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Chott
el Djerid
A Bill Viola
Ecran
fluide,
frémissant,
mouvant.
Beiges
et gris
panachés
dans une brume brouillée,
lente,
ondulante.
Un
indolent zoom avant ne change rien à l’imperception
ne
permet pas de capter plus de détails.
Seules
les couleurs ont bougé, bougent encore,
oscillent,
basculent, chavirent
vers
l’ocre, le cuivre, le rouge
alors
que le gris vire aux blancs.
Toujours
cette sensation de flou fluide
des
turbulences de l’air surchauffé
montant
du sol
comme
d’un bloc de métal à blanc.
Peu
à peu, loin, très loin – à l’horizon ?
mais
cela a-t-il un sens ici ? -,
un
haut plateau semble s’extraire de l’estompe,
se
préciser, se dessiner puis grandir
avec
une lenteur de majesté
dans
un grand chambardement symphon_opt_ique
aux
couleurs silencieuses de terres solaires.
L’air
chaud, toujours plus,
trouble
tout,
malaxe
tout,
mixtionne
tout
de
ces images tout juste perceptibles…
l’œil
peine,
fouille,
cherche
un point, fixe,
une
référence,
craint
le mirage…
Jusqu’à
deux
points confus,
proches
l’un de l’autre,
qui
fondent droit sur l’objectif.
Le
temps que l’œil
traite
cette information
déformée
sitôt que formée,
les
deux mobiles sont sortis du champ,
derrière
la caméra.
Les
deux motocyclistes
tout
de blanc vêtus – car c’était eux
dont
l’œil avait transmis l’image au cerveau –
ne
sont plus là face à l’objectif…
Devant,
sur l’écran,
le
ballet de couleurs jaspées
par
la surchauffe de l’air a repris.
Simple
illusion,
tout
a retrouvé sa place
pour
mieux fuir,
se
dissoudre
dans
la surexposition progressive
d’un
lent zoom arrière…
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(in)Fortune
de Mer
Un quart de container frigorifique
de transport maritime
vaincu par la nature
grâce à l’incurie cupide des
hommes,
échoué sur un îlot rocheux
au droit de Landrelec,
exhibe le rouille sale
de son isolant
de polyuréthane
et le blanc clinquant
de ses tôles encore intactes
sur un lit de ce granit rose
relique des monts immenses
qui dominaient ces lieux
aux temps lointains des chaos
de l’enfance du monde,
aux temps lointains
où l’homme… n’existait pas !
Une fortune de mer
- dit-on dans notre langue –
terme juridique
que l’on rêve romantique
Fortune de mer !
(in)Fortune amère
pour ce lieu magnifique
ne serait-il pas plus juste ?
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